PETITE HISTOIRE N°4
Le 23 janvier 2019
La bête gisait sur le flanc, les yeux vitreux. Son énorme gueule ouverte laissait apparaître de gigantesques crocs d’où le sang coulait encore, immergeant les corps des soldats tombés pendant l’attaque dans de sinistres mares écarlates. Près du cadavre, plusieurs véhicules militaires étaient renversés sur le flanc. Deux avaient perdu des roues qui avaient terminé leur course folle contre les murs des immeubles voisins.
Les pompiers avaient réussi à grand-peine à maîtriser les incendies. Quelques camions rouges étaient encore en action, luttant contre les dernières flammes.
Plusieurs bâtiments avaient été touchés lors de l’affrontement, des briques et des tuiles jonchaient le sol, rendant périlleuses les interventions des équipes de secours.
Un peu plus loin, l’ours, mortellement touché, respirait encore, ses râles d’agonie s’affaiblissaient peu à peu. Bien qu’il eût été un ennemi redoutable, le spectacle de ses côtes ensanglantées se soulevant difficilement sur un râle agonisant était insupportable. Autour de lui, des membres et des têtes arrachées, des armes, des chaussures et des vêtements témoignaient de la violence du combat.
La bataille avait été rude, beaucoup d’hommes y avaient laissé la vie. Malgré leur courage et leur dévouement, peu en étaient sortis entiers et de nombreux soldats blessés étaient entourés d’infirmiers et de médecins qui allaient et venaient parmi les brancards. Les gyrophares des véhicules de secours les éclairaient de leur lugubre lumière bleue.
Le jeune homme observait, pétrifié. Une porte s’ouvrit doucement derrière lui. Sidéré par l’horreur de la scène, il ne l’entendit pas.
C’est alors qu’un hurlement retentit, qui manqua arrêter son cœur.
« Aaaaaaaaïeuh ! Martin ! Je viens de marcher sur un de tes Lego, encore une fois ! Mais range ta chambre, bon sang ! »