PETITE HISTOIRE N°2

 
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Le 13 janvier 2019

Vous vous souvenez de votre premier jour d’école, vous ?
Il paraît que je suis allée dire bonjour à tout le monde puis me suis couchée sur un tapis et me suis endormie. Maman avait beaucoup pleuré en me laissant, moi pas du tout.

 

Je me souviens de ma moyenne section de maternelle au Haillan, près de Bordeaux, et de mon adorable maîtresse, madame Jazinsky (pardon pour l’orthographe du nom dont je ne suis plus très sûre) qui nous prenait sur ses genoux et nous faisait des bisous quand nous avions un chagrin. Je n’ai jamais eu peur d’un enseignant grâce à elle, je me suis toujours sentie en confiance avec eux.

Nous avions fait un atelier boulangerie une fois, mais avions oublié la levure, les petits pains étaient tout plats et immangeables, nous jouions avec à la dînette ; j’adorais un livre dont j’ai oublié le titre, l’histoire d’un petit africain qui habitait une jolie case.

 

Ma meilleure copine était Hélène, la fille de ma maîtresse. Un jour, je suis allée jouer chez elle. Là, j’ai découvert madame Jazinsky allongée sur son canapé, un masque de soin sur le visage et des rondelles de concombre sur les yeux.

Imaginez ma surprise !

Maman a toujours été coquette, crémée, légèrement maquillée, parfumée, mais je n’avais jamais vu de masque de beauté ni surtout imaginé qu’on pouvait se mettre du concombre sur la figure !

Figure, oui, on dit comme cela dans le Sud-Ouest. Un jour, notre maîtresse de CE2 nous a demandé ce qu’était un visage. Aucun de nous n’a su répondre.

 

C’est en maternelle aussi que j’ai été punie à l’école la seule fois de ma vie. Il y avait des travaux dans la cour et donc beaucoup plus de petits cailloux que d’habitude. Interdiction d’en lancer sur les copains. OK, compris.

C’est alors qu’une folle de l’autre classe se précipite sur mon Philippe, mon amoureux de l’époque, et se met à lui serrer le cou pour l’étrangler. N’écoutant que mon courage, je saisis un caillou et le lui balance dans la figure, non, mais ! Pour qui elle se prend celle-là ! On ne touche pas à mon Philippe.

C’était sans compter sur la directrice de la maternelle qui surveillait la récréation. J’entends un « Laurence, viens ici ! » et me retourne. Elle est assise sur le banc à côté de ma maîtresse et me fais signe de son doigt de la rejoindre.

Elle porte des lunettes de soleil…

C’est terrible les lunettes de soleil, ça cache les yeux. Je ne peux pas lire son regard et tout le temps que dure ma traversée de la cour, je suis complètement paniquée par ce manque d’information. Dans quel état vais-je la trouver arrivée au banc ?

Qu’elle est longue cette marche, elle est interminable !

Qu’il me fait peur ce doigt qui continue de m’attirer à lui ! Dirigé vers le haut, il se plie et se déplie. Je suis attachée à un fil de pêche et la directrice remonte la ligne avec son index. Les lunettes noires me cachent un regard terrible qui va me pétrifier dès cette dame les retirera.

Ce qu’elle fait finalement, au moment où j’arrive au banc, terrifiée. Je découvre une femme étonnée. Je suis sage à l’école d’habitude moi. « Mais enfin, qu’est-ce qui t’a pris ?! » Comment voulez-vous que j’avoue à cette institutrice d’abord mon sentiment pour Philippe, ensuite mon désir de le défendre alors qu’elle m’a fait si peur ? Je ne réponds rien, évidemment. Et me retrouve punie au coin sous le préau, ce que j’accepte, normal, je n’ai pas respecté l’interdiction.

Mais les punaises sont légion dans les cours d’école et trois d’entre elles, dont la folle, viennent se moquer de moi. « Laurence est punie euh, Laurence est punie euh ! » Je leur arracherais bien la tête à ces pestes. Je baisse la mienne et ravale ma rage. Ma maîtresse prend pitié et chasse les vilaines. Que je l’aime ma maîtresse !

J’ai eu le droit de retourner jouer avant la fin de la récréation. Je suis allée retrouver Philippe qui m’a pris la main. Il était beau mon Philippe. Il portait des lunettes dont les verres lui grossissaient les yeux et son regard bleu en était magnifié. J’adorais ces lunettes.

 

Je suis restée fidèle à mon amoureux jusqu’à la fin de ma scolarité élémentaire à Bordeaux.