PETITE HISTOIRE N°11
Le 31 mars 2019
Quand Timon a envie de faire un tour dans les chambres des filles qui ne sont pas là, alors que cela lui est formellement interdit, il sait très bien profiter de l’opportunité d’une porte laissée malencontreusement ouverte.
Jamais je ne le surprends alors qu’il monte subrepticement les escaliers, sans un bruit, même pas celui de ces pattes sur le carrelage, qui pourrait me faire soupçonner ses intentions.
Je le retrouve alors vautré dans les longs poils du tapis de la chambre de Line, l’air contrit parce que je râle, certes, mais les yeux pleins de bonheur d’être allongé sur son tapis préféré.
Lorsque les filles l’appellent pour qu’il monte les rejoindre, il gravit les marches en deux secondes, les oreilles aux aguets et la queue frémissante de joie.
De la même façon, la salle de musique au sous-sol ne lui est pas autorisée pendant les répétitions, ses coups de queue peuvent être redoutables, ni les guitares, ni la contrebasse, ni la batterie, ni les verres posés sur le cajon n’apprécient, et la délicatesse de ses pattes qui écrasent la mallette contenant les pédales de Vincent est toute relative…
Bien évidemment, il guette la moindre opportunité pour se précipiter dans l’escalier et aller saluer à nouveau Patrick, Vincent et Éric auxquels il a déjà dit bonjour à leur arrivée. Éric, qui a un chien et une chienne et dont l’odeur est particulièrement intéressante pour lui, a déjà été accueilli avec des jappements de joie. Et comme Patrick et Vincent ont des chats, ne nous privons pas !
S’élève alors un concert de « Doucement Timon ! Attention ! Oh ! File de là ! » des quatre musiciens, qui, je l’avoue, m’amuse beaucoup…
Mais je jure solennellement que ce n’est pas moi qui ouvre la porte !
Laurent, alors, le chasse et Timon remonte sans problème l’escalier à toute vitesse pour venir me raconter combien il est content d’avoir fait son petit tour en bas.
Aujourd’hui, Timon est sale, nos mains sont grises après l’avoir caressé, il sent mauvais, il faut le laver.
La salle de bain avec la baignoire se trouve au premier étage, au même niveau que les chambres des filles dans lesquelles il sait très bien monter.
Le thermostat de la douche est réglé sur 32°C, le shampoing utilisé est adapté au pelage du chien et jamais au grand jamais Jeanne, ma grande fille, ne mettrait une seule goutte de produit ni d’eau dans ses yeux.
La toilette terminée, Timon saute de la baignoire et se roule sur les deux vieilles serviettes de plage qui lui sont dédiées et que Jeanne a précédemment étalées sur le sol.
Puis descend à toute allure me voir pour recevoir les compliments mérités sur sa propreté, sa brillance, sa beauté…
Enfin se précipite dans le jardin où il court comme un fou, en pleine forme.
Aussi suis-je perplexe devant le phénomène magique qui s’amorce au rez-de-chaussée de notre domicile.
Je n’ai pu le constater par moi-même, mais l’attitude de mon chien ne me laisse aucun doute.
Et puis c’est bien connu, les animaux perçoivent des choses auxquelles nous, les humains, sommes hermétiques…
Dès lors que nous avons formulé qu’il était plus que temps de laver notre chien, aussitôt et subitement, les marches de l’escalier se déforment, lentement d’abord, puis de plus en plus rapidement.
La hauteur de chacune augmente, augmente, jusqu’à atteindre une hauteur infranchissable.
Leur contour devient flou, ondulant, à tel point qu’il en devient impossible de discerner où poser la patte.
Une bouche démesurée apparaît sur chaque contremarche, grimaçante, hérissée de crocs terrorifiants !
Timon est effrayé, tétanisé, il tente de se faire aussi petit que possible, s’aplatit autant que faire se peut contre ce sol auquel il voudrait tant pouvoir se souder.
C’est alors que deux mains immenses s’approchent et le saisissent, deux bras puissants soulèvent ses quarante kilos et le géant, sans ployer un instant sous l’effort, gravit une à une et sans peur les marches menaçantes pour le mener jusque dans la baignoire où il le dépose délicatement.
La pauvre « petite » bête tremble de peur, elle tente vainement d’échapper à la torture indicible à laquelle elle est soumise, mais les deux mains aux griffes vernies, invincibles, ne le lâcheront qu’une fois leur tâche perfide effectuée.
Les membres tressautants, le pelage inondé, le corps frémissant de douleur, l’animal n’est plus que l’ombre de lui-même, il défaille, il agonise, il meurt…jusqu’à ce que la silhouette félonne s’écarte et qu’il entrevoit au loin, vacillante, presqu’irréelle, la lueur de la liberté.
La magie cesse instantanément, aussi vite qu’elle est apparue. Le magnifique chien noir jaillit du bassin aux supplices et se roule avec plaisir dans le coton tout propre.
Je ne sais si certains d’entre vous ont été témoins de phénomènes identiques à leur domicile. Mais je vous serais reconnaissante de bien vouloir me communiquer vos expériences afin que, dans un souci bien naturel de sauvegarde de nos chers compagnons poilus, nous puissions envisager ensemble les solutions qui nous permettraient de lutter contre ces phénomènes des plus dramatiques.
D’avance, je vous en remercie