PETITE HISTOIRE N°16
Le 11 août 2019
Elle est là.
Encore et toujours.
Depuis si longtemps.
Sa présence est obsédante. Chacune de ses inspirations, chacun de ses mouvements sont autant d’offenses au calme que l’homme souhaite si désespérément.
Il tente de se remettre à son travail, de se concentrer. Cette partie ultra importante du scénario est à rendre au producteur demain matin à la première heure. S’il avait su, il serait resté au bureau. Mais le sempiternel « Tu rentres si tard. » de sa femme l’a, pour une fois, décidé à partir plus tôt. Pour rencontrer un orage sur le chemin qu’il parcourt chaque jour à pied. Il a couru pourtant, mais l’ondée était violente, il est arrivé trempé. S’il avait su, il serait resté plus longtemps à son bureau. La pluie a cessé maintenant, le soleil brille de nouveau.
Il est huit heures. Il est fatigué, il voudrait terminer avant de manger et profiter de sa soirée pour se reposer et se vider la tête. Il se penche sur son écran, relit les dernières phrases, écrit sans s’arrêter quelques minutes et…
La voilà qui se remet en mouvement. D’abord sur la chaise avec son livre, puis passant vers la console où elle inspecte le bouquet de fleurs, elle est enfin occupée à il ne sait quelle besogne dans la cuisine d’où lui parviennent les bruits du repas qui se prépare.
L’homme soupire et se remet au travail. Le calme relatif lui permet de reprendre le cours de ses idées. Il prend son élan et se penche vers son clavier quand elle revient, tourne autour de lui, hésite, repart, revient.
L’homme tente de l’oublier, de ne pas la voir, de ne pas l’entendre. Dans une quinzaine de minutes, il aura enfin terminé. Mais la voilà qui s’approche, lui caresse tendrement l’oreille. Excédé, il la repousse d’un geste vif de la main. Elle s’éloigne, sans un mot, vexée, il n’en a cure. Les mots lui viennent, il commence sa phrase.
Entêtée, elle s’approche de nouveau, lui touche la main.
Mais que veut-elle, bon sang ? Elle n’a donc pas compris qu’il avait besoin de juste un peu de calme ? C’est trop demander, juste un peu de calme ?
Elle doit sentir son état de tension et s’éloigne, rejoint la chaise et son livre.
L’homme continue son travail, relit, revient en arrière, efface, reprend. Il ne lui reste plus que la fin à écrire, une demi-page seulement. Quand il sent une caresse sur sa joue.
Mais elle se fout de lui ?!
Cette fois c’en est trop !
Il attend ce moment depuis si longtemps. Il s’y est préparé. Il saisit l’objet caché sous son bureau, s’immobilise, attend qu’elle soit retournée sur la chaise et se penche sur son livre, se lève sans un bruit, s’approche à pas de loup et assène de toutes ses forces un grand coup sur son corps frêle.
Elle est tombée, morte, sans un bruit, sans un cri.
« Ah ! Tu l’as eue ! se réjouit sa femme en le rejoignant. »
L’homme renfile son chausson, saisit la mouche par le bout de son aile et la jette par la fenêtre ouverte.