PETITE HISTOIRE N°14
Le 25 mai 2019
Nous avions quitté Port Camargue très tôt ce matin-là, il faisait encore nuit. La traversée vers la Corse durait plus d’une vingtaine d’heures et nous voulions dormir au port la nuit suivante.
Le lever de soleil avait été magnifique. Le ciel était d’un bleu pur, nous naviguions au largue, allure confortable.
Nous étions en pleine mer, le continent avait disparu depuis longtemps. Je bouquinais sur le pont à l’ombre des voiles lorsque mon père qui tenait la barre s’écria :
« Quelqu’un peut me passer les jumelles ? »
Je le remplaçai à son poste. Il observa un long moment, puis tendit le bras vers un point situé loin à l’avant du bateau.
« Il y a une baleine là-bas. Regardez, vous pouvez voir un nuage d’eau au-dessus d’elle quand elle expire. »
Mon frère et moi nous passâmes les jumelles. Effectivement, on distinguait une masse sombre au ras de la mer et on voyait nettement l’eau qu’elle projetait.
« Elle ne bouge pas, dis-je, elle reste au même endroit, qu’est-ce qu’elle peut bien faire ?
— Je n’en sais rien, répondit mon père, mais tu sais quoi ? On ne va pas aller l’embêter. Et puis si c’est une femelle et qu’elle est avec son baleineau, elle ne va pas être contente, mais alors, pas du tout ! »
Nous avons changé d’allure et sommes remontés au bon plein pour faire un grand détour et ne pas l’approcher. Nous n’avons cessé de l’observer, elle n’a commencé à bouger que lorsque nous sommes passés loin devant elle.
Nous avons nettement vu sa queue au-dessus de l’eau quand elle a plongé.
Ce que faisait cette baleine reste un mystère.
Mais ce moment magique reste gravé dans ma mémoire trente ans plus tard.
Je croise fort les doigts en espérant de tout mon cœur que nous pourrons encore admirer des baleines en Méditerranée…