Pourquoi je suis une autrice et pas une auteure
Le mot auteur vient du nom latin auctor et il n’existe pas de verbe correspondant à ce nom.
Aussi se féminise-t-il en autrice, de la même façon que le féminin du mot acteur est actrice, le nom venant du latin actor.
Les noms et adjectifs en -eur qui ont un féminin en -eure dérivent de comparatifs latins en -(i)or .
On devrait donc bien dire autrice et non auteure.
Au-delà de cette règle grammaticale, l’histoire intéressante de ce mot autrice montre qu’il est utilisé depuis bien longtemps, comme nous l’explique Aurore Evain, comédienne, dramaturge et historienne du théâtre :
« Pour parler des actrices, il y a des mots : comédienne, actrice, interprète. Mais pour parler des femmes dramaturges, cela pose problème. Avec le mot « auteure », difficile de faire la différence avec le masculin.
Ce terme autrice a été utilisé dès le 16e siècle pour parler des reines. Souvent pour dire qu’elles étaient ambassadrices, on les appelait « autrices de paix ».
Au 17e siècle, on l’a utilisé pour parler des autrices de théâtre. En faisant une recherche dans les archives de la Comédie-Française, je suis tombée sur un registre des comptes des premières femmes dramaturges qui ont été jouées au 17e siècle. Je voyais « part d’auteur » pour les hommes et « part d’autrice » pour les femmes.
Des féministes interpellent l’Académie française à la fin du 19e pour que le mot autrice soit accepté. On le retrouve au 20e, il est défendu par des grammairiens mais les tenants de l’Académie française continuent pourtant de le refuser. »
Comment peut-on expliquer que mot ait été rejeté ?
« Une femme peut propager une parole d’homme, être son interprète (être actrice), mais ne peut pas être à l’origine et avoir autorité sur une parole qui lui est propre (être autrice). C’est aussi au moment où des femmes de lettres arrivent, où certaines essayent de gagner leur vie en écrivant qu’on fait la guerre à cette figure.
Le terme auteur avait un sens sémantique assez réduit et dès qu’il a commencé à avoir un sens plus légitime et plus fort socialement, c’est alors que l’on a supprimé le terme autrice. »
Décidément, je suis une autrice.